« Putain, demain c’est l’hiver » : retour sur l’album « Parmi eux » de Déportivo

« Putain, demain c’est l’hiver » : retour sur l’album « Parmi eux » de Déportivo

Capture d'écran tirée du clip du morceau 1000 moi-mêmes

Effectivement, demain 21 décembre marquera le début de l’hiver. Vous savez cette saison chaleureuse et conviviale pour les un-e-s car propice aux festivités de fin d’année et aux raclettes, morose pour les autres car il y fait moche, froid et la nuit tombe avant la sortie du boulot. Autant dire que j’appartiens plutôt à la 2e catégorie de personnes.

Celle qui a envie de s’exclamer « putain, demain c’est l’hiver » comme le fait si bien le chanteur du groupe Déportivo dans le titre 1000 moi-mêmes, morceau de l’excellentissime album Parmi eux sorti en 2004 (déjà). Et donc, quoi de mieux que l’arrivée de la pire des saisons (oui oui) pour revenir sur un album marquant du rock français ?

Déportivo, ou la quintessence du rock alternatif

Mais tout d’abord, qui sont les Déportivo ? Déjà, avec un nom me faisant systématiquement penser au Deportivo La Corogne – club majeur du football espagnol au tournant des années 90 et 2000 – ils partent forcément sur de bonnes bases. En étant factuel, il s’agit d’un groupe fondé en 2003 à Bois-d’Arcy dans les Yvelines et qui se compose de Jérôme Coudanne à la guitare et au chant, de Richard Magnac à la basse et de Julien Bonnet à la batterie. Niveau musical, on est quelque part entre le rock français « classique » inspiré par Noir Désir et Téléphone (c’est à peine cliché, j’en conviens), et la scène alternative américaine façon Dinosaur Jr., Weezer ou les Pixies.

Évidemment, le look hirsute combiné aux vestes de survêt’ Adidas et aux jeans rappelle sans trop forcer la vague grunge de Seattle, ce qui se ressent aussi dans les influences du trio. Car la musique des Franciliens ne fait pas dans la finesse : des compos basiques à souhait, un son de guitare crade pouvant s’accompagner d’une disto bien grasse, et quelques incartades acoustiques comme à la grande époque des superstars du rock des nineties.

La première fois que j’ai dû entendre ces gars du 78, ça devait être lorsque leur clip du morceau 1000 moi-mêmes passait sur les chaines musicales de l’époque. C’était un contraste amusant entre les images d’un bal musette au premier plan et celles d’un groupe de rock s’emparant de la scène en arrière-plan. Il faut aussi dire que la surpuissance du morceau m’avait aussi scotché.

« Et on n’oublie pas d’embrasser la cavalière… »

Il s’agit d’ailleurs de la chanson choisie pour inaugurer l’album, et il n’y a rien d’étonnant à ça : riff ultra-rapide, chant posé donnant le change à des choeurs percutants, basse galopante et déflagration de distorsion et de larsen pour un morceau incandescent. On y sent l’urgence qui sera le véritable fil conducteur du disque, et qui propulsera le groupe sur le devant d’une scène rock française en mal de fers de lance.

On enchaine directement avec le morceau éponyme Parmi Eux, qui adopte le schéma voix et guitare claires sur le couplet vs chant braillé et six cordes saturées sur le refrain. Schéma rôdé que l’on retrouvera un peu partout tout au long de l’écoute. Suivra ensuite Queen of the Universe, un des deux morceaux en anglais de l’album, puis Sur le Moment, morceau acoustique avec du kazoo faisant parti des trois chansons unplugged de la galette.

Je ne vais pas détailler l’ensemble des 12 pistes de cet album homogène où rien n’est à jeter, mais j’en sortirais quand même deux d’entre elles : La Salade, autre hymne plébiscité de tous, et À l’avance, morceau acoustique à la suite d’accords me rappelant furieusement le Where is my Mind ? des Pixies. Il faudra moins d’une demi-heure pour écouter l’intégralité du disque : ce chiffre a dû être multiplié par 10 tellement j’ai pu écouter ce skeud dans les mois qui ont suivi sa découverte.

Pas mal aussi cette version « mariachi »…

Si je devais m’attarder un petit peu sur les paroles, je dirais que je n’en comprends pas toujours le sens. J’ai plutôt l’impression qu’il s’agit de quelque chose d’un peu abstrait, voire de volontairement nébuleux, mais qui sonne carrément bien. Quoi qu’il en soit, j’y distingue des références à l’enfance, une critique de la religion, ou encore d’innombrables textes empreints de nostalgie, de désillusion ou même carrément d’épisodes dépressifs.

« Parmi eux », succès à tous les niveaux

Dire que cet album fut un véritable tremplin pour la carrière du groupe serait un euphémisme. Sorti sur le label référence Barclay, il s’écoulera à quelques 50 000 exemplaires. La tournée qui suivra sera triomphale, avec plus d’une centaine de dates à travers le pays et des concerts sold out dans des lieux importants de la capitale. Succès populaire, succès critique et reconnaissance des plus grands noms de la scène française : rien ne peut résister au trio d’Île-de-France. Une popularité qui se maintiendra par la suite, et que le poids des années n’a visiblement pas élimé.

Hélas, Déportivo n’aura jamais su à mes yeux refaire un disque à la hauteur de Parmi eux. Le groupe Arcysien compte au moment où j’écris ces lignes 4 albums dans sa discographie, et aucun n’aura approché de près ou de loin l’inflammabilité et l’urgence de leur premier effort. L’album éponyme de 2007 est tout de même dans la même lignée rock, mais est bien trop lisse pour atteindre les sommets de son prédécesseur. Ivres et débutants (2011) et Domino (2013) marquent une évolution dans le son du groupe, davantage pop et faisant de la place à d’autres instruments comme le clavier.

Je les trouve – et désolé d’avance pour le ton péremptoire de l’argumentaire – sans intérêt. Le genre d’albums que l’on s’écoute une fois pour voir ce qu’il s’y passe mais sur lesquels on va vite jeter un voile pudique et prendre soin de les oublier. C’est qu’il ne faudrait pas atténuer la sensation de sa première rencontre avec le groupe. Et, surtout, ne pas gâcher les souvenirs de ces longues soirées d’hiver à se passer cet empilement de tubes. Ceux-là même qui pouvaient mettre un baume au coeur appréciable et apprécié.

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